Titre : | Démocratisation de la culture (2012) |
Auteurs : | Patrick Brunel, Auteur |
Type de document : | Article : texte imprimé |
Dans : | Etudes (4165, Mai 2012) |
Article en page(s) : | pp. 617-628 |
Langues: | Français |
Catégories : |
[UNESCO] Culture en voie de disparition [UNESCO] Culture scientifique [UNESCO] Culture traditionnelle [UNESCO] Démocratisation de la culture |
Résumé : |
La crise économique risque d’avoir pour conséquence de reléguer à l’arrière-plan de la campagne présidentielle, voire d’effacer tout bonnement des débats, la question de la culture. Or, celle-ci est indispensable au développement d’une société et à l’épanouissement des hommes. Elle ne doit donc pas être négligée. Elle doit l’être d’autant moins que sa place est aujourd’hui menacée et que le grand rêve de démocratisation culturelle est loin d’être devenu réalité. Là comme ailleurs, l’urgence frappe à la porte.
L’enquête très précise d’Olivier Donnat1 le montre clairement : cependant qu’émerge une « culture numérique » favorisée par l’accès de tous à Internet et la multiplication des écrans, les pratiques culturelles « traditionnelles » déclinent. Ainsi, le nombre de livres lus en dehors du cadre scolaire ou professionnel ne cesse de baisser : en 1997, sur 100 Français de 15 ans et plus, 18 déclaraient avoir lu 10 à 19 livres dans l’année, et 19, 20 livres et plus. En 2008, ils ne sont plus respectivement que 14 et 17. Et le sociologue de préciser : « Il y a aujourd’hui plus de Français à n’avoir lu aucun livre dans le cadre de leur temps libre au cours des douze derniers mois qu’il n’y en avait en 1997, et ceux qui n’ont pas délaissé le monde du livre ont réduit leur rythme de lecture d’environ cinq livres par an.2 » La musique classique est, elle aussi, affectée : en 1997, 9 % des 35-44 ans la citaient comme leur genre préféré ; ils ne sont plus que 4 % en 2008. Enfin, dernier exemple : sur 100 personnes de 15 ans et plus, 52 % ne fréquentent pas, ou seulement de manière « exceptionnelle », les équipements culturels. Et parmi les 48 % qui les fréquentent, on note « un vieillissement du public3 » : entre 1997 et 2008, la proportion des 15-24 ans baisse légèrement, cependant que celle des 65 ans et plus augmente. À l’évidence, ces données sont préoccupantes et révèlent une situation inacceptable pour tous ceux qui, soucieux de l’égalité des chances, ne se résignent pas à voir la culture réservée à une élite, cependant que la masse devrait se contenter des divertissements concoctés par les industries culturelles. Mais comment expliquer une telle situation ? Est-il possible d’inverser la tendance ? Y a-t-il lieu de concevoir une nouvelle « politique culturelle » ? Vouloir répondre à ces questions implique d’abord de s’entendre sur ce qu’il convient de désigner par « culture ». Le mot est, en effet, l’objet d’un flou terminologique dont les conséquences en matière politique sont immenses. Aussi nous attacherons-nous d’abord à lever les ambiguïtés qui entourent ce vocable. Nous nous pencherons ensuite sur la notion de « politique culturelle » : quelle en est l’histoire ? Que penser de celle menée aujourd’hui par l’État ? Faut-il en inventer une autre ? Enfin, nous proposerons quelques grandes orientations. Précisons que nous ne traiterons ici de culture que sous l’angle de sa démocratisation. Les questions de son financement et de la création professionnelle ne seront donc pas abordées. Patrick Brunel |